
Soirée à la chandelle. Les ombres s’étirent le long des parois ou s’aplatissent au sol à la faveur des flammes de bougies posées sur les tables et le comptoir. La semi-obscurité rassure Nashe. Elle dissimule ses imperfections. Oui, mais demain il fera jour. Il secoue la tête. Demain est un autre jour. Il attend qu’une nouvelle maxime vienne contredire celle-ci, mais non, aucune ne vient. Demain sera bel et bien un autre jour. Il se sourit à lui-même. Refuse d’entendre qu’autre ne signifie pas différent. D’ailleurs, il cesse de penser, se concentre sur la musique.
Il se sent assez bien. A tout misé sur l’apparence. Coupes et matières de qualité. Cuir, soie, coton, argent ainsi qu’une fragrance française, Égoïste. Il a longuement hésité avant de l’acheter. Si l’une de ses rencontres de ce soir l’interroge sur son parfum, ne tirera-t-elle pas des conclusions hâtives lorsqu’il le nommera ? Il recommence à cogiter. Se concentre de nouveau sur la musique pour divertir son esprit. Mais ça ne l’aide pas beaucoup. Quel est le bâtard qui a osé remixé un morceau de Coltrane ? Tintement de cloche. Il sursaute, s’éclaircit la gorge, rejoint à tâtons la table 6. Il ne sait pas quoi penser de la femme assise là. À cause des mouvements de la flamme, ses traits ne sont pas fixes.
— Nashe Pozzi, dit-il.
— C’est bien tenté, rétorque la femme. Mais vous tombez mal, je connais toute l’œuvre de Paul Auster.
— Pardon ?
— Nashe et Pozzi sont deux personnages de La musique du hasard de Paul Auster. Vous ne pouvez pas vous appeler comme ça.
— Je vous assure que si. Tous mes papiers le prouvent… Votre type, là, il aura trouvé mon nom dans l’annuaire, dit-il en haussant les épaules. Beaucoup d’écrivains font ça.
— Non, non. Sûrement pas. Auster n’est pas le genre à agir comme ça.
— Alors, je ne sais pas. Le hasard…
La femme fait une moue qui signifie : Si ça t’amuse, va pour Nashe Pozzi.
— Ah, au fait, dit-elle d’une voix contrariée, moi, c’est Anna Karénine.
— Vous plaisantez ?
— Non ! Pourquoi je plaisanterais ?
— Comment ça, pourquoi ? Anna Karénine… le comte Vronski, Tolstoï !
— Le comte quoi ?
La mèche de la bougie se noie dans la paraffine. La scène est dans le noir. La scène est presque entièrement dans le noir. L’obscurité est percée d’auréoles orangées. Ils se taisent, probablement empêtrés dans leurs pensées. Cherchent quoi se dire. Ne trouvent rien. Tournent la tête vers la salle pour masquer leur gêne. Ils boivent en silence pour se donner une contenance.
Tintement de cloche.
Froissement de papier. Poubelle !
Sculpture « Love » de Robert Indiana, revisitée.
Ha dommage, j’étais curieuse de savoir ce que cette improbable rencontre allait donner.
J’adore l’idée de la rencontre de deux personnages fictifs!
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Il y aurait matière à livre dans une telle rencontre !
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Vous feriez cela très bien!
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Je passe mon tour ! Un livre déjà en cours, qui me mange toute mon énergie. Ceci dit, je ne toucherais pas a Anna karenine. Trop peur du fantôme de Tolstoï !
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Efficace.
Et j’ai souri.
Merci.
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C’est vrai que sur toutes les photos il a déjà l’air, je ne sais pourquoi, d’un fantôme.
Très bonne nouvelle, un nouveau livre, j’attends avec impatience!
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Croisons les doigts qu’il voie le jour !
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Un duo intéressant qui me laisse rêveur. Une introduction probable pour un livre passionnant mais pas avec les mêmes personnages auxquels ils font allusion. .
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Les rencontres font toujours de bonnes intrigues.
Je vous souhaite une belle journée, Charef.
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