Une histoire de traces. Comme dans une forêt blanche.
L’immaculé du temps et tout le bleu de l’ombre au beau milieu du jour.*
tu es partie
à chacun de tes pas réflectifs
la matière-miroir de ta peau
a imprimé en toi part de toute chose
gestes animalesques de tout être
course
nage
vol
mouvements disant mieux que paroles
ça tu l’aurais juré
l’involontaire suicide
closant tes amours saccagées
tu es restée
la matière-miroir de ta peau a masqué ton visage
avec figures anciennes
et figures de passage
aimantes ou non
tu n’as pas su le dire
tu n’as pas su aller
le temps ?
il t’a aimée
il t’a aimée
et puis tu l’as déçu
*Caroline Dufour
poggiare teneramente il capo contro la spalla utopica dell’ultima amica rendere il suo viso come i volti che ti hanno fatto bene le sue labbra come le labbra che ti hanno veramente baciato che hanno lasciato passare le parole necessariamente dure i suoi occhi come gli occhi che ti hanno veramente guardato che non hanno avuto paura di te che hanno osato voltarti le spalle bruscamente o soffermarti su vite diverse dalla tua … poggiare teneramente la testa contro il petto utopico dell’ultima amica modellare i suoi seni con il peso delle foglie di antichi alberi bronchiali ascoltare senza angoscia il suo respiro caduco
poggiare teneramente il capo sul cuore utopico dell’ultima amica ascoltarlo che batte al ritmo delle sue parole bambina nuotavo il più lontano possibile dalla riva e dal largo osservavo le donne della duna invecchiare invecchiare e diventare sabbia
poser ta tête tendrement contre l’utopique épaule
de la dernière amie
fabriquer son visage comme les visages
qui t’ont fait du bien
ses lèvres comme les lèvres qui t’ont embrassée véritablement
qui ont laissé passer les mots durs nécessaires
ses yeux comme les yeux qui t’ont regardée véritablement
qui n’ont pas eu peur de toi
qui osaient se détourner brusquement
ou s’attarder sur d’autres vies que la tienne
…
poser ta tête tendrement contre l’utopique poitrine
de la dernière amie
modeler ses seins avec le poids des feuilles d’anciens arbres bronchiques
écouter sans angoisse sa respiration caduque
poser ta tête tendrement contre l’utopique cœur
de la dernière amie
entendre celui-là battre au rythme de ses paroles
gamine je nageais aussi loin que possible de la côte
et du large j’observais
les femmes de la dune vieillir
vieillir et devenir sable
(Il s’agit de vaincre l’éternité*
pour enfin se reposer)*Phrase empruntée au texte Demeure (2) du poète Yan Kouton
telle une seule dormant seule
tenant racine d’arbre dans une main terre noire dans l’autre
trouvant dans le sommeil
compagnie des absentes
chaque fois éveillée par souffle de novembrecelui-là seul qui soulève ses paupières
telle une seule demeurant seule
levant les yeux au ciel pour y déposer nuages et oiseaux
comme elle le fait toujours
baissant les yeux au sol pour y déposer consoudes et nigelles de Damas et cosmos et berces du Caucase
portant loin ses yeux devant elle pour y déposer sangs sauvages ares et ares et horizon
telle une seule composant seule
paysage pour les absentes
compagnes de sommeil
elles courent en déroulant dans le temps et l’espace
le fil de vingt-neuf années d’une vie finie
elles disent
tuée tuée tuée
elles courent sans cesser de le dire
sans souffrir de la pente
sans essoufflements
elles ne peuvent pas s’arrêter de courir et de dire
elles le disent aux croisés
qui les désignent comme folles
tuée tuée tuée
tuée hier
tuée dans le jeune temps de sa vie
tuée bien avant sa venue
tuée trois fois tuée
elles ne peuvent que dire ça
elles ne font pas son éloge
elles ne pleurent pas
elles ne se lamentent pas
…
on chuchote derrière leurs dos
tuée par sa propre main
non elles disent
non non et non
d’autres mains l’ont tuée
des mains polyphobiques
qui ne savent pas écrire
ha ! qui ne le sauront jamais
des mains juste bonnes à frapper
des mains avec des langues pendues dans leurs paumes
des mains brandissant des armes chimimétaldermiques
de destruction massive
tuée tuée tuée
elles déroulent son fil depuis le lieu de sa mort
jusqu’au lieu de la Forge où tout assassinat de l’une d’elles
renforce l’acier de la Pensée et des Corps de toutes
À la mémoire de Tal Piterbraut-Merx
Auteure d’Outrages aux Éditions Blast https://www.editionsblast.fr/outrages
et de La funambule, sous le nom de plume Cléo Dune, aux Éditions Maurice Nadeau https://www.maurice-nadeau.net/parutions/238/la-funambule