Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Lunch Poem *20

Celle-là s’enfonce à la nuit tombée
Pour plus d’obscurité encore
Dans les corridors étroits  
Des bâtisses éloignées
De Park et de Broadway  
Celle-là tire avec son arme de poing
Sur les enseignes au néon  
Sur les figures peintes et sur le reflet de sa tempe
Celle-là s'endort sur des planches fendues par ses soins  
Qui laissent sur sa peau une odeur boisée
Et des taches de sang
Celle-là voit dans l’eau chlorée des fontaines  
Et putrescente des fleuves
L’ombre de ses sœurs défuntes   
Leurs yeux percés et leurs bouches pâles  
Celle-là entend la plainte du jour qui s’effondre  
Et sur les esplanades  
Clame comme ça  
Du matin jusqu’au soir
Vous êtes ici sur la planète rouge 

Lunch Poem *13

L’heure se rapproche 
Dangereusement de la nuit
Une nuit qu’on devine
Par son agitation
Le temps au carré rapetisse les corps
Les faisceaux lumineux
Transpercent les organes tendres
Plus rien ne subsiste d’éventuels épanchements
On frappe
On crie
On chute
On ne se relève pas
On se demande ce qui est arrivé
On interroge les passants : Qu’est-il arrivé ?
Ils haussent les sourcils
Accélèrent le pas
On abandonne nos mémoires
Sur les bancs lisses des cathédrales encastrées
Epaules contre épaules
Inutilement proches
Absurdement pressés que le jour se lève
On polit les trottoirs
On se croise dans les vitrines sales
Sans se reconnaître
On transporte avec nous des fragments de peinture
On cherche à se connaître
On se cherche dans les gravats des effondrements
Sur les draps tordus tout autant que froissés
Sur les rides de l’eau
Sur les rides de peau
On cherche à s’effondrer sans y parvenir
On s’effondre plus tard
Alors qu’on nous soutient
On a d’étranges pensées
Puis cessons de penser
On cherche à s’oublier
En se crevant les yeux
On se perd sans jamais s’égarer
La fin de la nuit
C’est la fin de la vie
Et ça recommence

Lunch Poem *1

Un arbre tordu
Une porte scellée
Une vue sur la mer dans un sac de cuir
Une tête penchée
Une avenue une corde en acier
Un homme qui court
Une corde portée autour de son cou
Se dit à lui-même
Des phrases meurtrières
Redis-le pour voir
Tu crois que ça me fait peur ?
Jamais !
Une porte autour du cou
Une avenue sous les genoux
Un homme qui court vers
Une vue sur la mer
Un homme qui porte une National
Redis-le pour voir
Redis-le pour voir
Jamais !
Une vue sur la mer
Ça peut être n’importe quoi
Un panneau publicitaire
Un poisson dans un bac à glace
Une frise dans la rigole

Une porte scellée une corde en acier
Un homme qui s’agite
Comme un arbre venté
Une avenue un taxi hélé
Emmène-moi vers
Une vue sur la mer
Aujourd’hui ou jamais
Un type qui rit
Jamais !
Un plan de la ville qui vole
Une phrase meurtrière
Redis-le pour voir
Jamais !
Le fleuve je peux te le donner
La mer jamais !
Une corde en cuir dans un sac d’acier
Un homme qui court
Sur un terre-plein central
Redis-le pour voir
La mer jamais personne
La mer
Jamais
Personne

Lunch Poem *8

La peau sur les os 
Mon frère
La peau et les os
Et les dieux dans le ciel
Qui s’échangent leurs anges
À l’heure où je te parle 
C’est à peine si je marche
Et voler
Je laisse ça à d’autres dorénavant
Toi tu as volé plus que je ne l'ai fait
Plus de richesses te reviennent
Car tes yeux voient encore
Quant à moi
Je me satisfais des marbrures rosâtres
D’un parquet de chambre commune
Aussi beau que je sois 
Je n’en mourrai pas moins
Aussi belle ? Qui le sait
À part toi mon frère
Devant les anges en plâtre 
Des boutiques minables
Je regrette d’avoir ri 
Car c’est là la matière
Dont je suis fait
Il me reste à vivre ainsi
Blafard
À la merci de tous
Allez mon frère
Oublions notre humanité
Il faut que je m'allège
Le vent passe bientôt
Je ne veux pas le manquer

Lunch Poem *10

Ne rien faire, penser comme en hiver. 
Dans le parc regarder le manège clos tourner.
Ne rien faire. Ne pas s’en faire.
Se souvenir de quelque chose.
Un objet.
Le tenir dans la main.
Le serrer.
Une pierre.
Ramassée dans l’allée.
Une pierre tenue toute une journée.
Le manège tourne.
S’attarder.
Des enfants sur des chevaux vivants.
Ce qui compte c’est ce qu’ils pensent.
Des chevaux vivants,
Une prairie,
Une ville bâtie près de mines aurifères.
Antiques sépultures indiennes.
Des enfants portant l’étoile du shérif
En place de leur blason scolaire.
Ne rien faire, poursuivre.
Retourner dans le tunnel.
Dépasser l’assassin.
Une jambe repliée contre la paroi,
Il tient un livre de prière.
La part de Dieu, dit-il quand je le croise.
Il le répète après que je me suis éloignée
La part des hommes, dit-il quand je rebrousse chemin.
Ne pas s’en faire. Penser comme en hiver.
La lumière fait un arc de cercle
À la sortie de la galerie.
Le manège.
La pierre dans ma main.
Les enfants délaissent leur monture.
Se débarrassent de la poussière de la prairie.
Voler leurs regards.
Traverser,
Contempler leur monde parfait.
Ne pas s’en faire.
Penser comme en hiver.
Fermer les yeux.
Dans le tunnel un bruit de pages déchirées.
L’assassin assassine.
Une pierre.
Tenue toute une journée dans le creux de la main.
Le bord tranchant serré.
Par erreur.
Serrer le bord tranchant des prières par erreur.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑