toutes on s'aime secrètement mais on dit qu'on ne s'aime pas du tout quelquefois on désigne l'une ou l'autre parce que si ce n'est pas elle ça sera nous après comme ils nous l'ordonnent on va ramasser les branchages qui la mettront en cendres on profite dans le sous-bois d'une belle journée d'été car éloignées de tous et de toutes qui en cet instant préparent la place on se baigne dans un rai de lumière cascadant entre deux grands arbres morts ça chauffe nos joues aussi nos poitrines et nos pubis car on a soulevé l'étoffe qui les recouvre on est soudain libres dans ce rien de nature on bouche nos oreilles pour l'être encore plus on trouve par terre une coquille vide de petit-gris on se glisse à l'intérieur l'esprit du petit-gris mène la coquille avec nous dedans jusque dans la fente d'un hêtre on a la colonne vertébrale colimaçonée la tête toute proche de la vulve de l'autre ça sent la mousse bien verte ça nous endort nos rêves cassent la coquille élargissent la fente du hêtre on se réveille courbaturées on ramasse nos fagots sur la place on se les fait payer un bon prix parce qu'ils n'ont plus le temps de négocier il est tard ils doivent purifier avant la mi-nuit purifier purifier corps maudits et âmes maudites vite on retourne dans le bois pour ne pas voir ça la nuit n'est pas totale partout des escarbilles des feu-follets des lambeaux d'étoffes virevoltant comme des papillons qui auraient pris feu des chevelures roussies rampant tels des limaces des yeux cuits roulant dans les rigoles tout ça poussière incandescente et charbon de cœurs de foies de reins d'utérus de viscères de poumons de peau d'embryons quelquefois de langues de seins de rates... s'enfonce dans la terre la terre recrache les noms de ces choses humaines calcinées dont elle sait toutes les anciennes fonctions mais ne veut rien savoir de plus le vent sépare de la cendre les pierres de frayeur dont il ne sait jamais quoi faire en principe les sangliers les enterrent au bout d'un moment la nuit est totale on a pas sommeil on danse on chante on se donne du plaisir on caresse le pelage d'animaux adomestiques qui se couchent près de nous on rit on dévore des cœurs et des fœtus grillés on se recroqueville on met au monde des rêves qui mettront au monde des rêves qui mettront au monde des rêves sans arrêt sans arrêt jusqu'à celui-là qui mettra au monde nos corps et nos âmes
*d’y creuser ce qu’on a enfoui
les chemins sombres, les histoires maudites
mille fois à se condamner
aveugles à nos enfantements
qu’on y crie tous les instants fastes
les fentes qui ouvrent le monde
les cendres chaudes qu’on ramasse
et celles qu’on garde contre soi
pour les sentir longtemps
se rouler bruyamment dans nos étoffes d’âmes
et doucement contre nos chevelures
…
*Poème de Caroline Dufour https://carolinedufour.com
©Encre sur papier de Corinne Freygefond. Sans titre #16, 2020.
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sacrée sarabande de corps sacrifiés … https://youtu.be/klPZIGQcrHA
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Merci pour ce morceau que j’adore. Bien choisi, je trouve pour ce texte. Mes amitiés.
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Magnifique requiem profane. Entre vie échevelée et cauchemar de la mort… Un chant à la fois joyeux et triste comme la vie.
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Oui un requiem profane. Vous voyez juste.
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