©Yang Yanping
cette bouche trouvée
sur le bord de l’eau
— toute froissée dans ta main
comme un bout de papier
et jetée machinal
dans un bras du canal —
elle détourne le courant
pour te suivre de loin
sur le premier des ponts
tu n’es pas arrivée
aux têtes de macchabées
qui jonchent le trottoir
et courent le long du mur
tu n’es pas arrivée
à côté de ces cœurs
qui saignent sur un crochet
et des langues du sud
qui vendent des fruits morts
tu n’es pas arrivée
l’ivresse qu’en dis-tu
ce n’est jamais assez
d’avenues et de rails
et de jours et de nuits
la Seine toute bue
et l’Égée toute sèche
ça ne suffira pas
l’oubli ne s’oublie pas
l’alcool des amours vives
enivre les vivants
tu n’es pas arrivée
©Yang Yanping, "Scent of Summer Night", 2000, encre et couleur sur papier.