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le désir de la danse, geste du mot

©Lotte Jacobi
cela vole comme rideaux
d’une chambre avec vue
sur la mer

dehors
cela va se gorger
de lumière solaire
qui vient pleuvoir 
dedans
sur les corps rompus

les effluves de l’iode
prises dans son tissu
embaument
la pièce sèche
de leurs touches d’humide

cela va danser
au cœur de l’inerte
et bouleverser les âmes
et bousculer les corps
sans que cela se voit
sans jamais être pris


©Lotte Jacobi, "Untitled", 1946-1955, tirage gélatino-argentique.  ©Harvard Art Museums, ©Fogg Museum.

Transport

©Annemarie Heinrich
en toi il y a quelque chose
qui n’est pas toi
pas de toi
quelque chose qui te dit 
tout le bien que ça sera
ça ne veut pas rester là
mais ça le restera
le temps qu’il faut
ça te tordra le ventre
ça te pincera le cœur
ça te tirera de bêtes larmes
de méchantes colères
ça effacera tout poème
ça te fera aller
jusqu’à l’endroit de tes cris
dernier lieu d'avant le silence

ce silence-là
tu ne le supporteras pas
ce ne sera pas ton silence habituel
sa force t’est inconnue
pourtant tu pressens son pouvoir
anéantissement de tout pouvoir
de tout verbe
de tout geste

ce qu’il y a en toi
qui n’est pas toi
pas de toi
cela a voyagé
depuis le corps qui sait
jusqu’au corps qui veut



Annemarie Heinrich "Portrait de Renate Schottelius", 1952. ©Annemarie Heinrich. 

La vaine diversion de la mésange

©Sarah Moon
le manque
lui ne manque jamais de rien
et je pourrais l’envier
tant il me vante bien ses trésors
tant il possède
de désirs et de rêves
qui semblent dire l’avenir
et agacent ma peau

je pourrais l’envier si je savais
sa planque
s’il n’avait cette manie
de me suivre partout 
de jour comme de nuit
pour m’en détourner

me détourner de moi-même


Photographie Sarah Moon "Park Avenue".©Sarah Moon. 

#Sans titre

©Toni Frissell
Le drame c’est l’heure tardive

et quoi l’amour
ce qui reste de peau
ce qui reste d’eau
c’est juste assez de surface
pour les coups
les larmes d’après coups

le beau mensonge
de la poésie de l’amour
avec son fil noir qui recoud l’air
et c’est tout

il faut recevoir dignement
cette solitude promise
depuis le début
il faut la vouloir pour soi
à soi
en soi
n’aimer qu’elle
non pas se contenter de la savoir là
prendre ce qu’elle donne
écouter ce qu’elle dit
et se taire 
comme il est écrit qu’on doit se taire
à ce stade de la vie
et quoi l’amour
quoi l’amour



©Toni Frissell, "Fashion model underwater in dolphin tank, Marineland, Florida", 1939, tirage photographique. Toni Frissell Collection (Library of Congress), Washington.

De vivre sans

©Donna Gottschalk
d’aimer
rien ne prépare
rien n’existe
il y a ce vide
par lui on sait
l’organe manquant
l’étourderie
qui limite les âmes
depuis le début

d’aimer 
rien ne se dit
de vrai
rien n’en dit 
le simple
ni les mains 
qui posent sur les corps
bien des choses salement
héritées 
ni le désordre
de l’esprit
qui n’est pas d’aimer
qui est impuissance à aimer
ici 
dans ce temps
dans ce lieu
occupés à faire de la place
toujours plus de vide
tant d’âmes mortes à enfouir
à dégager de notre vue

d’aimer
les âmes mortes
savent 
tout


Photographie ©Donna Gottschalk, Donna and Joan, E. 9th St., 1970, tirage argentique.

La main-coquillage

©Dora Maar
l’inspiration
de l’air pris dans une autre bouche
autour de cet air
rien
la suffocation
le silence absolu
l’obscurité absolue
la vie froide


©Dora Maar, Sans Titre (ou La main-coquillage), 1934, négatif gélatino-argentique. © Centre Pompidou.

Le souffle court

©Germaine Krull
j’ai la certitude que là-bas c’est ici
que la distance est 
amoindrie par ton pied qui foule le passé
j’ai la certitude que l’empreinte de tes pas laissée sur le chemin
est comme présent sous toutes ses définitions

de mon bord je sens bondir ton existence
celle-là parmi toutes les autres
le monde que je recalcule à l’ère de ta danse

j’entends par les lèvres de ton effort 
s’échapper toutes les sortes de cris 
toutes les sortes d’écritures
et de souffles
même ceux solitaires 
qui pourraient être miens
ils ne se perdent pas dans la solitude
mais vont comme un regain d’oxygène
faciliter ta lutte
nourrir tes muscles endoloris

ta course fait aller la terre plus vite
vers moi qui ne me montre pas
en corps

j’ai la certitude que tu reviendras à l’aube
la même aube que lorsque tu es partie

celle-là n’aura rien cédé au spleen 
qui a la sale manie d'engrisailler le jour



Photographie Germaine Krull, Nu féminin, 1928, tirage gélatino-argentique. Centre Pompidou. © Estate Germaine Krull/ Museum Folkwang.

À moi le silence

©Imogen Cunningham
lance-toi si lance-toi
sur les versants déclives de tes poèmes massifs
saisis-toi dans ta course d’épingles à cheveux
que je puisse enfermer dans mes boucles le vent de ta vitesse
que je puisse me souvenir
que tout est allé trop vite
que Tout n’a rien laissé du tout
si
des migraines
au fond de mes yeux
comme chaque fois que j’affronte le soleil
ou bien que je libère des gouffres de mon cœur
et de mes rêveries
des amours tant habituées à leur réclusion
qu’elles ne peuvent demeurer dans mes mains ouvertes
sans aussitôt chercher l’ombre et le châtiment

ce n’est pas sans dégât
leur folie affecte mes jours durablement

mais on ne fait rien de ça n’est-ce pas
on ne sauve pas un cœur verrouillé
un cœur avare
un cœur affaibli par les privations qu’il s’impose

lance-toi si lance-toi
moi je suis et je ne peux que rester dans ce temps 
où le silence est fait de cris de toutes sortes
aussi du cri de la poésie qui met au monde le poète



Photographie  Imogen Cunningham, "The Unmade Bed", 1957, impression gélatino-argentique.  ©Museum of Fine Arts, Boston, © The Imogen Cunningham Trust.

Cinglée par la vitesse du temps

©Claude Cahun – Marcel Moore
c’est étrange cette tristesse
qui naît de ton désir

c’est étrange cette phrase entourée de tout ce blanc
glacial
comme un feu maigre qui ne réchauffe pas
mais rappelle la chaleur
vivre ainsi dans le souvenir de la flamme
pourrait t’aller
seulement ce n’est pas un souvenir
c’est une attente

l’attente une lame passée au feu
qui d’une masse informe fait un corps
brûlant à l’endroit de ses blessures
essentielles blessures 

la tristesse coule de tes yeux
d’entre tes cuisses
au fond de ta gorge
le sel toujours mêlé à l’eau
pour que l’eau existe peut-être
pour que les lèvres y reviennent
assoiffées 
toujours assoiffées après avoir bu

cette tristesse
comme une prémonition
que la solitude approche
qu’elle vient pour toi
et toi seule

tu la vois
à travers les plaies qui te permettent d’y voir
elle piétine les feux résistants



Photographie © Claude Cahun-et Marcel Moore "Aveux non avenus" planche III, photomontage. 

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