
On ne voit jamais nos propres mains dans les rêves on voit d’autres mains mais ce ne sont toujours que nos mains comme celles-là qui m’ont volé l’écriture celles-là qui m’ont coupé la langue celles-là qui me pousseront du pont je me dis cela peut arriver sans volonté ni désir seulement de ne pas avoir supporté la vue du rêve échoué là dans la réalité vite je lui ai donné un corps je lui ai donné un lieu vite je l’ai détourné du bleu du ciel vite vite vite je me dis cela est arrivé avec volonté avec désir j’ai aimé j’aimerai encore pendant les temps de l’amour entre les temps de l’amour qu’ai-je fait que n’ai-je pas fait que ne pourrai-je jamais faire des mains là et ce sont mes mains tordent le cœur du rêve jusqu’à la lividité mes mains je ne les verrai jamais triompher le rêve errant et désincarné cela vaut-il mieux cela est-ce plus doux jamais personne n’aimera comme celle-là qui ne sait pas aimer Frida Kahlo, "Les deux Fridas", 1939, huile sur toile. © Luisa Riccciarini/Leemage