T’ai-je jamais appelé ainsi
Ma chère amie
Ai-je jamais éprouvé pour toi
La moindre tendresse
Non au lieu de ça
J’ai pointé tes faiblesses
Exposé tes erreurs
Obligé ton enfant
À me suivre partout
Si c’était à refaire ?
Oh lui lâcher la main
Le plus vite possible
Et courir
Courir loin d’elle
Loin de l’adolescente
Et de la jeune femme
Courir jusqu’à moi
Ma chère amie
Cette femme vieillissante
À la sagesse effondrée
À l’effondrement sage
Courir jusqu’à moi
Et tout me pardonner
Et ne rien pardonner
Et tanguer
Ma chère amie
Tanguer sur la terre
Comme en plein océan
Et croître comme le lierre
Admirable mauvaise herbe
Qui recouvre les ruines
Carpere
Oh je le sais
Ecrire ne sert à rien
Et je suis là pourtant
Cherchant dans le dédale
Le fil de ma pensée
Arborant l’air buté
Propre à l’affamé
Qui s’improvise cueilleur
Ecrire est aussi vain
Que de croire
La faim se satisfaire
De quelques baies glanées
Et je suis là pourtant
Et tant d’autres sont ainsi
Cheminant dans leur tête
Où le monde est entré
Nu
Volontairement muet
Se brisant comme du verre
Aussitôt l’œil passé
Ce qui se perd
Le temps qui nous reste
Allégé des minutes perdues
Par la retenue de nos mains
Jamais publiquement enlacées
Allégé des silences d’autan
Asséchant la clepsydre
Et des rêves scellés
Dans l’ambre de l’ennui
Ce temps-là
Étrangement délivré
De ce qui n’a pas été
Celui-là
Nous l’aimons
Comme la pierre
Dans ce qui a été
S’il y avait un moment
Qui restait en l’état
Et à portée de main
Comme la pierre
Dont l’étendue d’une vie
Ne peut saisir l’usure
Peut-être
Saurions-nous enfin
Quelque chose sur la mort
Come full circle
Je me tais
Et j’écris :
Aujourd’hui
Enroulé sur lui-même
Dévale l’avenir
À la manière d’une roue déboitée
De véhicule accidenté
Des hommes le poursuivent
Délaissant la tragédie
Immobile
Au profit d’un mouvement
Aussi hasardeux soit-il
C’est ainsi
Il faut que ça bouge
Que ça ait l’air de fuir
L’air de partir ailleurs
Ou d’arriver ici
Pour que la main
Arme première
Empêche le déplacement
Ou le décide.
Je me tais
J’écris et devrais effacer
Ce que j’écris
La pensée ?
Un canot que l’on perce
Avant la mise à l’eau
J’écris :
Aujourd’hui
Esclave de sa forme sphérique
Dévale une route pentue
Sans pouvoir s’arrêter.
Et je n’efface pas
Il y a du temps
Enfermé là
Un ravissement
Toutes les fois où ma pensée se tait
Et que je crois mourir
Rongée par la migraine
Celle-ci toujours épiant l’heure
Où la grève se vide
Toutes ces fois
Où je n’écris rien
Suffocant sous le ciel cendré
D’une forêt en flamme
Malgré tout je reste là
Les tempes piétinées
Par les sabots piquants
De grands cerfs affolés
Chaque coup
Qu’ils me portent
Et je ne m’en protège pas
Ou si peu
Me ravit une minute
Accomplie ou restante
La main du voleur (Je veux dire de l’oiseau)
Il faut tenir
Retenir
Cris
Colère
Chaque jour
Tenir
Une main invisible
Et la lâcher
La lâcher pour se donner
Une idée de la chute
La rattraper de justesse
Est-ce elle qui rattrape ?
Une réaction conjointe
Des battements semblables
De peur
Ou d’envie
La chute n’est pas mortelle
Après tout
C’est le sol qui tue
Il faut tenir
Tenir tenir
Retenir
Larmes
Vagues
En particulier les vagues
Allers retours
Va ! Reviens !
Il faut pour vivre
Marcher beaucoup
Sans mouvement de jambes
Même sans jambes du tout
Marcher vers
Marcher pour
Rarement on marche
Les mains vides
Il faut tenir
À quelqu’un
Par-dessus tout
Ça ?
C’est le pire de tout
Seule affirmé-je
Seule
Rien ne me retiendrait
De voler
Et là le ciel
De se mettre à rire
Medeor
Chaque jour est blessure
Et cicatrice du jour d’avant
Le dernier reste à vif
Passagère
Là, alors que je prends plaisir
À me dire passagère
Au sens d’être moi-même
Un mal guérissable
Là, dans ce voyage
Où les paysages froids
S’enroulent autour
De mes mouvements de tête
Là, quand rarement
L’espoir jouissant
D’une aube sans chasse
Meurt de sa propre mort
J’ai beau être véloce
Mon regard plus vorace
Que mes pas
Toujours empile ses prises
Là, dans l’Heure