Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Suspension illusoire

Si peu que je m’attarde 
Sur un détail de la nature
Celle-ci m’apparaît plus énigmatique encore
Plus vaste que je ne le pensais
Et mon maigre savoir s’éclipse
Au profit d’une ignorance réjouissante
Qui m’octroie un surplus de secondes
À l’intérieur de ce temps
Déjà bien entamé

Sans blessure de passage

Où que j’aille
Je ne suis pas reconnue
Mais tout m’est familier
En particulier
Ce qui est fiché au sol
Végétaux rocaille
Découpes de rivages
Tombes et bâtisses
Également familiers
Les êtres qui empruntent
Des routes tracées de mémoire

Qui est « je » ?

Qui dois-je appeler 
Au seuil de ce vide
Qui se présente à moi
Lorsque je m’assois pour écrire
Où diriger ma voix
Ainsi que mon regard
Est-ce vraiment ce que je dois faire
Appeler
Peut-être qu’il faut attendre
Je murmure Mon âme
Car cela me vient à l’esprit
Répond-elle seulement à ce mot
N’a-t-elle pas de nom
Qui lui est propre
Il est probable
Qu’elle réponde au mien
Après tout ne suis-je pas
L’objet de mon attente
De mes craintes
Ne suis-je pas
Vertige et souffle
Mon âme dis-je
Plus haut cette fois
Et cela se transforme
En un mot plus précis
Et ce mot s’envole
Alors que je chute

Les remords

Ils n’aiment pas que je dorme
Car alors ils s’ennuient
Leurs petits doigts gelés
Soulèvent mes paupières
Et maintiennent
Mes yeux écarquillés
Puis d’une voix désenchantée
Ils relatent à tour de rôle
Un revers de mon existence
Jusqu’à ce que las de parler
Ils m’enjoignent
De faire quelque chose
N’importe quoi
Qui les tiendrait éveillés
À l’aube
Certains s’attardent
Les plus aimants
Je suppose

Musée

Où iront ces goélands
Qui s’envolaient avec paresse
À mon approche
Où ira ce sable mouillé
Que le vent rasant peinait à soulever
Une fois que mes yeux ne seront plus
Où ira ce que je n’ai pas écrit 
Ce que j’ai gardé pour moi
Omis de dire
Où iront tes yeux 
Et les gestes 
Que tu as exécutés
Où iront les cités où j’ai failli
Les ruines que j’ai bâties
Ces ruines
Comme je m’y suis acharnée
Où ira ce trait de soleil
Gorgé de la poussière
D’un paysage d’été
Et la chambre qu’il traversait
Où ira ce que je n’écrirai pas
Ce que je ne sais pas
Ne peux pas écrire
Où ira cette heure-là
Où le poème vient

À perte de vue

L’être qui vole voit
Car le vol est regard
 
De grands yeux cillant
Déplacent ce bout de ciel-ci
Jusqu’à ce bout de ciel-là
Et ça donne
Ce que ça donne

Frassino

Puis j’entendrai derrière moi
Le fracas d’un arbre qui se déracine
La terre tremblant sous mes pieds
Puis plus rien
Je piquerai le bout de mon doigt
À la pointe étrécie du chemin
Pour empourprer l’azur
Avec une goutte de sang
Hélas vite diluée
Dans le gris majoritaire
Je serai une enfant
Mais
Le souvenir d’un corps las
Freinera mes élans
Un autre arbre se déracinera
Et un autre encore
Sans raison apparente
L’idée qu’ils se suicident
Me traversera l’esprit
Après tout pourquoi pas
Puis quelques pas plus loin
Je serai une vieille femme
Mais le souvenir d’un corps ardent
Freinera ma prudence
Plus rien n’aura d’aspect
À cause de la nuit noire
Je distinguerai les espèces
Au bruissement
De leurs ramées
De nouveaux arbres chuteront
Parmi lesquels mon frêne
Puis atteignant la pointe du chemin
Je peinerai à me tenir debout
Dans le triangle étroit de la perspective
N’y parvenant pas
Je m’allongerai
Puis enfin délivrée
De mes pensées nocives
Qui auront empruntées
Une voie différente
Je m’endormirai
En serrant dans ma main
Quelques langues d’oiseau
Ramassées près du frêne

Bello ac pace

Mon amour est une guerre 
Envers à peu près tout
Envers moi-même 
Des semblables parfois
Et toi probablement
Envers mes brutales presciences
Qui éventent les pièces chaudes
Avec un drap de deuil
Envers la raison 
Et sa manie du nivellement
Une guerre 
Qui ne nous tuera pas
Mais nous verra mourir
Quand seront épuisés
Les battements et les souffles
Réservés pour plus tard
À notre commencement

Mécanique de l’inertie

— Retourne-toi discrètement
Et dirige ton regard
Ne le laisse pas décider seul
Du trajet à prendre
Que tes mains se tiennent prêtes
À tirer les rideaux
Qui s’ouvriront brusquement
Sur des scènes pénibles
Avant tout demande-toi
Si ça en vaut la peine
Ou mieux
À quoi ça sert
De gâcher un jour nouveau
Avec des heures abolies ?
Oh et puis
J’entends d’ici
Ta réplique plaintive
Qui peut faire autrement ?
 — Non tu te trompes
En vérité je me demande
C’est où ici ?

Trompe la mort !

Il faut aimer
Même si l’on sait
Que l’amour est mortel
Il faut aimer pour ça
Chérir cette mort
Alors qu’encore dupe
Elle se pense tout autre
Se pavane dans son corps tout neuf
Marche les yeux bandés
Sur le bord des corniches
Il faut aimer
Tandis qu’elle commence à comprendre
– A force de croiser ses semblables
Et de s’en attendrir –
Le sort qui l’attend

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑