Ma chérie, le monde
et tout ce qu’il contient
et l’arrière qui bascule en avant
dans les moments cruciaux et le fruit bleu
qui nous consume : Tout
n’est par ailleurs qu’un néant à venir
où les branches noircissent les arbres
comme en hiver et l’hiver d’un coup le printemps :
Les hommes seront en colère, et
les calculs biliaires
mais ne pleure pas : Cherche
les présages dans le ronron monotone –
tout ce qui arrive quand nous
sommes proches de nous détendre, et que les pourceaux
ronflent porcinement dans leur seau :
Essaye de rester en vie jusqu’à ta mort.
Une nuit tu te retrouveras
à chanter dans ta voiture
dans une rue loin de chez toi
radio allumée, les yeux fatigués :
Soudain la rue est une rivière de glace
et tu fais des tonneaux sur les deux voies et apprends
les lois physiques suivantes :
Les arbres ont une bonne raison de tous
pousser dans le sens du vent, et une bille de billard roulera
exactement à la même vitesse que la bille
la heurtant par l’arrière : Le choc
et la rotation des billes dans le noir
et un camion qui tourbillonne vers toi
et le pare-brise qui t’embrassera
et le rire, et les applaudissements. Souviens-toi :
Le monde est vulgaire comme tout ce qu’il contient :
Le sucre du melon
et la vie comme un fumet de tourte à la viande.
Tu en réclameras
toujours plus : La pendule
tonnera dans la salle d’attente
pendant que le porteur de cercueil titube dans ses chaussures
et que tu sortiras hébétée
et mort-née dans la rue.
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