L’intention

Refermer la porte derrière soi. Poser la tasse sur le bureau. Humer l’odeur de café qui s’en dégage. Rectifier la position des objets. S’assurer que chaque chose est à sa juste place. Effleurer un modelage les yeux fermés. Compter les fleurs de l’orchidée. Deviner quel bouton s’ouvrira prochainement. Vérifier que la lumière entre dans la pièce comme on apprécie qu’elle entre. Sinon, y remédier. Poser son regard sur les livres aimés. Se détourner de ceux que l’on a jugés mauvais. Les considérer tout de même pour le temps d’écriture qu’ils ont nécessité. Calculer à la louche la distance qui nous sépare de ceux qu’on n’a pas lus. S’attarder sur un ouvrage de Virginia Woolf posé de face sur une étagère. Dire le titre à voix haute : Une chambre à soi. Ressentir une grande angoisse immédiatement après. Ne pas aimer la photo de la première de couverture où l’auteure se présente de profil. Refusant de nous affronter. Comme donnant raison à nos doutes. A quoi bon, semble-t-elle murmurer, les yeux dans le vague. A quoi bon. Les verbes s’empilent derrière sa phrase suspendue. A quoi bon lire, à quoi bon penser, à quoi bon écrire… Par association d’idée, songer à la chanson de Serge Gainsbourg. La fredonner. Remarquer que l’on ne se souvient jamais des paroles de chansons, sauf quand elles passent à la radio et qu’on se surprend à les chantonner machinalement.

Finalement, s’asseoir pour écrire.

Écrire. Ça, c’est l’intention.

Une fois à sa table, avant tout autre chose, se souvenir des semaines, des mois, des années qui ont précédé ce moment, où on s’assoit pour écrire.

31 commentaires sur “L’intention

Ajouter un commentaire

  1. Bonjour Gabrielle,
    Très jolie découverte que celle de votre blog, que je fais grâce à la ronde d’amis de Nowowak.
    Il est plein de textes magnifiques et inspirants.
    Je me ferai une joie de vous suivre le plus régulièrement possible, si vous le permettez.
    Belle soirée à vous.
    Patricia.

    Aimé par 2 personnes

      1. J’adore!

        En lisant « en travers » le Comment-Taire, j’ai saisi le mot « Remington »!
        Immédiatement il a fait « Feu » dans ma mémoire!!!

        Alors j’y suis revenu, posément, et là, oui, j’y ai vu la célèbre des Bukowski, Sagan, Duras, Beauvoir et autre Hemingway….
        Mais pour moi c’était bien la Remington des Steinbeck, Steve Mac Queen/Joss Randall et autre Lee Van Cleef et Henri Fonda qui était évoqués là!!! et de bonnes balles de 9mms qui sont glissés dans le chargeur…. Pan! Pan!
        ÉpuiNon! Des feuilles et le tic-tic-tic!

        « Les Armes et les Mots, ça tue pareil » dit le poète…Un Chant de Mots pour Dire « OUI, Je vis! »

        Aimé par 2 personnes

      2. J’aime beaucoup ce parallèle entre les deux Remington. Si on mélange le son des deux, cela donne le tic-tac du temps. Y aurait-il là comme une évidence sur la nature humaine?
        Belle soirée à vous et merci de m’avoir remémoré Josh Randall et son fameux fusil à canon scié !

        Aimé par 2 personnes

      3. Votre remarque donne à penser au Souffle la Vie de la Poésie que l’on transcrit et que l’on ex-prime et à la Mort par arme à Feu qui Ex-Pulse et qui annihile.

        Oui, Ce Temps Sacré qui fait se marier Vie et Mort…

        La Mort que l’on Attend,
        L’Amour que l’on appelle

        Si Lui ne vient pas,
        Elle, Elle viendra toujours
        (J.R. Caussimon)

        Aimé par 1 personne

  2. Bien aimé moi aussi les mots d’ETOILE31…
    C’est marrant mais dans mon dernier article (Gégé) j’évoque une REMINGTON (carabine cette fois-ci) et si je peux me permettre une petite remarque (trés bienveillante) la carabine de Josh RANDALL était une WINCHESTER calibre 40/44 à canon scié et non une REMINGTON ! Ouais…Je sais…On s’en fiche pas mal…!

    Aimé par 2 personnes

    1. Oui effectivement pas davantage que dans Steinbeck il ne s’agisse une seule fois de Remington ou bien qu’encore Sagan et Duras ou Sartre n’ai préféré une bonne Olympia… Les-Cent-Ciels aurait dit de Grand Philosophe Béru c’est que ça défouraille et que ça défouraille rapide! Genre en Mode Trump avec sa Twitter chromée,
      Sinon à propos de Jean-Saul Partre, il était déjà au top!!! https://photos.app.goo.gl/C8pd1zf56myRSY5D8

      Aimé par 1 personne

  3. D’une enclume posée

    il me semblait incroyable
    d’exister contre tous ces matins qui revenaient
    il me semblait inconcevable
    d’engager chaque nuit
    comme une ultime bataille contre le corps et l’oubli
    la faim la soif devenues dérisoires
    ces printemps bientôt fanés
    écrire ce que l’on ne sait penser
    les rêves qui dans le plus profond de la chair
    s’invitent comme les actes une pièce trop jouée
    une vie que l’on tente de croire unique
    et qui devient vulgaire à force de tricher contre la mort
    chaque jour d’une enclume posée

    le fusil apparait progressivement dans la pénombre

    May 17, 2018 by Pierre Vandel Joubert

    Aimé par 2 personnes

Laisser un commentaire

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer