Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Hölderlinade

©Sophie Ristelhueber
la poésie ne sert à rien 

ce qui est mort est mort
ce qui est fait est fait
elle n’œuvre pas pour la mémoire
elle sait
la mémoire n’est pas un remède collectif

la poésie n’est pas une arme 
au mieux elle est une truelle
une bobine de fil

elle a les yeux au bout des mains
alors elle est sans pouvoir

on dit pour s’en défaire
elle est la voix de demain
demain qui ne vient jamais
ou si furtivement
qu’on ne peut s’y installer à demeure

ou si lentement
si lentement
que ceux que l’on tue n’ont guère le temps 
d’en faire sépulture

la poésie ne sert à rien

elle sait être le résultat de l’échec

mais elle s’entête
elle s’entête

inlassablement
elle remonte les corps suppliciés à la surface
elle réécrit les noms effacés des papiers administratifs
elle recoud les vêtements percés et les peaux percées
elle refleurit les allées
elle caviarde des pages entières du Récit-Officiel

elle verticalise ce que l’on a courbé
relève ceux que l’on a couchés

et depuis le début
elle n’attend que ça
mourir



Photographie ©Sophie Ristelhueber, Eleven Blowups #10, 2006.
Site de Sophie Ristelhueber https://sophie-ristelhueber.format.com/

15 commentaires sur “Hölderlinade

Ajouter un commentaire

  1. La poésie?

    C’est l’oiseau que le vent veut casser au-dessus des eaux-neuves

    La veuve du regard détourné qui rentre seule à la maison sans toucher sa pension de réversion

    C’est la flèche lente tendue sur l’arc de l’horizon

    Le fil où se balancent les tendres preuves

    Et la lessive des saisons

    C’est le coq au milieu du désir qui règne sur des tribus sans retour

    C’est un vélo à l’abandon

    La marche dernière d’un escalier qui reprendrait bien un peu d’amour

    Pour aviver sa plaie dans un sourire de présence accomplie

    Aimé par 7 personnes

  2. Non! Non!
    Mais Rilke nous rassure: « Ce n’est que lorsqu’ils [les cris, les souvenirs, les plus rien, la lumière désespérée, le noir de tout, etc.] deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. »

    Aimé par 2 personnes

    1. Je ne dis pas autre chose dans ce texte. Si je la veux mourir, c’est seulement à cause de sa naissance tragique. Et cette mort que je lui souhaite n’est que naissance juste.
      Merci, Vève, d’avoir pris le temps…

      J’aime

  3. Très belle interpellation
    du sens donné au souffle
    Cela fait du bien.
    J’ose y ajouter ma touche extraite du dernier post.

    « Au vrac du monde j’inscris
    des mots qui écarquillent
    le glas sonné des douleurs
    et de mon âme une révélation

    ***

    Des mots
    déverrouiller le mythe
    laisser voir et entendre la partition
    n’y comprendre que dalle
    mais telle la chrysalide
    s’envelopper de soie
    et espérer la mue »

    Aimé par 1 personne

  4. LA POÉSIE DE LA POÉSIE

    « La poésie de la grammaire est la grammaire de la poésie. » Jakobson

    La poésie de l’Utopie est l’Utopie de la poésie
    La poésie du désespoir est le désespoir de la poésie
    La poésie des pigeons des Ménines s’envole dans le crayon de maître Picasso
    La poésie des longs sanglots sont les longs sanglots de la poésie
    La poésie du libre arbitre est le libre arbitre de la poésie
    La poésie du raton laveur n’est pas la poésie d’un soir de demi-brume à Londres
    La poésie du Nu descendant l’escalier est à l’origine des Structures élémentaires de la parenté
    La poésie de Charlotte Corday est le couteau planté dans le cœur du citoyen Marat
    La poésie de la mort est la mort de la poésie
    La poésie du je-ne-sais-quoi est le je-ne-sais-quoi de la poésie
    La poésie du même et de l’autre est la poésie de l’autre et du même
    La poésie du génie est la poésie de l’idiot de la famille
    La poésie du chaos est le chaos de la poésie
    La poésie des citations sont les incitations à la poésie
    que personne ne peut arrêter

    « Ce n’est pas l’acquis
    Ce n’est pas la matière intérieure
    C’est l’éclair fugitif* »

    * Wladimir Jankélévitch

    Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :