I
Tu écris pour savoir ce que tu écrirais si tu écrivais, selon la fameuse formule durassienne. Oui, mais ce n’est pas la seule raison. Et puis tu n’as pas toujours l’entière compréhension de ce que tu écris au moment où tu le fais. Tu le sens, alors même que tu penses contrôler ton geste, des choses t’échappent, qui ne se trouvent pas entre les lignes, mais bien dans la structure, dans le matériau travaillé. Donc, l’écriture ne répond pas toujours à ta curiosité. Parce que, même achevé, un manuscrit porte en lui une part que tu n’as pas voulu écrire mais qui se trouve écrite et que tu ne décryptes pas dans l’immédiat. Que tu ne décrypteras peut-être jamais, alors que d’autres, si. C’est une évidence. Un même récit n’est jamais identique pour personne. Grace, sans doute, à la matière de l’écriture qui a la faculté de ne pas sécher, permettant au lecteur « d’intervenir ». Ce n’est pas bon pour l’amour-propre de l’écrivain, mais c’est ainsi, un livre lu se métamorphose, au sens biologique du terme. Cette faculté, évidemment, n’est pas donnée à tous les livres, seulement à ceux dont le temps ne durcit pas une matière à l’origine trop pauvre. Quant à tes textes, tu ignores de quel matériau ils sont faits. Comment pourrais-tu le savoir ? Aussi, tiens-tu vraiment à le savoir ?
II
Comme l’a dit très justement Antoine Wauters ce matin à la radio, l’écrivain est un fantôme. Il est présent tout en étant absent. En tout cas, il s’absente fréquemment du présent. Partant en écriture, même lorsqu’il n’écrit pas. Considérant ton corps et l’esprit dans ton corps comme formant un cosmos, tu connais en toi de nombreux lieux où te rendre tout en ne bougeant pas. Lieux où le temps n’est plus l’unité de mesure. Tu l’as remarqué à de très nombreuses reprises, lors de ton retour d’une « absence » durant laquelle tu as réfléchi à un texte ou alors rédigé, tu ne sais pas dire si le temps a passé vite ou lentement. Tu n’as pas vu le temps passer. Écrire t’offre la faculté d’échapper momentanément (terme paradoxal en cet instant) à sa domination. Pendant que tu écris, le temps t’oublie. Tu es donc bien un fantôme. Stagnant dans tes propres aires, hantant le présent, mais aussi le passé.
Qu’en est-il de l’avenir ? Ce n’est pas ton affaire. C’est l’affaire de tes textes, ou ça ne le sera pas.
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merci, Gabrielle
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âme moribonde qui n’en finit pas de ne pas finir…
Je vous envoie mon amitié, Caroline.
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Et moi la mienne, Gabrielle.
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Bonsoir Gabrielle
Sommes-nous là seulement, tout entier présent, ou sommes-nous la somme des parties qui nous composent ? Lors de ces « absences », n’allons-nous pas visiter, parfois, cette part mystérieuse située à des lieues, des lieues, des lieues d’ici, dans une autre dimension, un autre espace, un autre temps ?
« Nos âmes à l’abri » : pouvons-nous les « dialoguer » ?
Bon week-end à vous
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Je crois pour ma part que nous avons tous une DeLorean, ou un Tardis. Avec, nous nous autorisons de nombreux « voyages ». Et dialoguons avec nous-même, tout autant qu’avec les autres, présents ou absents.
Bon weekend à vous également, Léo
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