En l’absence de ma muse, m’amuse.

Là-haut, les personnages dorment paisiblement jusqu’à ce qu’un bruit les réveille. Chacun se rassure comme il peut. C’est peut-être qu’une synapse électrique ou le chat qui se promène. Mais non, le personnage de chat dort sur le lit d’un personnage d’enfant. Finalement, un personnage de pompiste (?) reconnaît l’intrus. On se calme, les mecs ! il fait, c’est seulement la patronne qui pense à voix haute. Elle ne vient pas pour nous, dit un autre, elle est en panne. Pas le moindre sujet de bouquin. Un autre rajoute : C’est pas ici qu’elle va le trouver. Ils rient tous de bon cœur et chacun y va de sa petite phrase : Les sujets, c’est pourtant pas ça qui manque… Moi, t’façon, j’ai aucune envie de bosser… Finir au pilon, merci bien !… 
À la faveur d’un intervalle silencieux, un personnage de jeune femme dit : Moi, j’ai de la peine pour elle. Les autres, d’une seule voix : Qui a dit ça ? Je l’ai dit, répond celle qui a parlé. Évidemment ! font certains, je, je je ! il faut toujours que je se fasse remarquer. Un personnage de femme quinquagénaire, qui jusque-là s’était tu, dit d’une voix dépassant toutes les autres : Elle ment ! je, c’est moi. Pourquoi qu’ça serait pas moi ? lance un personnage de chien à qui on n’a rien demandé. Parce que tu es un personnage secondaire, bourrique ! répond quelqu’un. Tah tah ! Dans Tombouctou, j’étais le personnage principal, s’enorgueillit l’animal. Des questions fusent immédiatement dans sa direction : Tu t’appelles Mr Bones ? T’es américain ? Tu connais un type qui s’appelle Willy ? Tu crèches à Brooklyn ? T’es le toutou de Paul ? Oui ? Non ? Non ? Alors ferme ta gueule. 
Je, c’est moi, répète le personnage de femme quinquagénaire sur un ton assuré et ferme. Il n’y a qu’à me regarder pour en être convaincu. Tous les personnages viennent lui tourner autour pour l’observer de près. C’est vrai qu’il y a quelque chose… Un air de ressemblance avec la patronne… N’écoutez pas les délires de cette vieille folle ! dit le personnage de jeune femme. Je, c’est moi, ça l’a toujours été. Un personnage d’étudiant en première année de littérature générale et comparée s’interpose. L’une de vous deux devrait partir, il propose. Un silence, puis il reprend : Deux je dans une même pièce, ça crée un paradoxe, et les paradoxes, c’est jamais bon. Le personnage de femme quinquagénaire saisit l’occasion : Tu entends le lettré, la morveuse ? Alors zou ! casse-toi de mon hémisphère droit. Plutôt crever ! lui répond le personnage de la jeune femme. 
Comme tu voudras, dit le personnage le plus âgé des deux d’une voix calme. Après quoi, il tend le bras, met en joue le personnage de la jeune femme, avec sa main en pistolet comme le font les enfants et tire en faisant : Pan, pan ! Les deux personnages s’écroulent dans un mouvement similaire. Tout le monde applaudit à cette scène parfaitement synchronisée. Les minutes passent et les deux je restent à terre. Les personnages commencent à s’inquiéter. L’un d’eux va finalement examiner les corps. Il les secoue, place sa main près de leurs bouches, puis son oreille près de leurs cœurs. S’en est fini de l’autofiction, il dit en se relevant. Nan ?! lancent les personnages à l’unisson. Si, il répond, pas la moindre inspiration. Les je sont faits.


4 commentaires sur “En l’absence de ma muse, m’amuse.

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  1. Il va falloir sévir, Gabrielle, ces personnages n’en font qu’à leur tête 😉
    Ceci dit j’aimerais bien relire un bon roman dont vous avez le secret, qu’il se passe à Brooklyn comme le premier ou ailleurs, qu’importe, (mais ne laissez pas les personnages choisir !)

    Aimé par 1 personne

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