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Le boxeur. Partie II

Crédit photo CF NY 1989

— Un ange frappe à sa porte. Quand l’homme ouvre, il ne voit pas que c’en est un. Il n’a jamais fourré le nez dans cette foutue bible, alors il ne sait pas à quoi ça ressemble, les anges. Il a d’abord cru que c’était un de ces gars de la Compagnie. Il les attend depuis un mois. On raconte qu’ils viennent récupérer les indemnités compensatoires octroyées, autrefois, à ceux qui habitaient sur le passage du train. Il crèvera ces salopards à coups de poings plutôt que de leur rembourser leur saleté de fric. Qu’est-ce qu’il leur doit ? Par deux fois, le EL a foutu le feu à l’appartement. La dernière fois, il était tellement saoul, que sa jambe a cramé jusqu’au mollet avant qu’il s’en rende compte. Toutes les deux minutes, le train transperce son cerveau, comme un fer brûlant. C’est pour trouver le sommeil qu’il s’est mis à boire et s’il cogne, ben, c’est pour se calmer les nerfs. Une indemnité compensatoire ! Et aujourd’hui il faut la rendre ? Les mecs de la Compagnie n’ont rien compris. Les pauvres types ne rendent jamais ce qu’on leur donne. Ils-ne-peuvent-pas.
Le boxeur interrompt son récit. Sous la table, il serre et desserre les poings jusqu’à ce que ses mains ne tremblent plus. La fille pense avec tendresse que c’est un émotif. Il lui sourit furtivement, laissant apparaître ses dents mal rangées. Une particularité qui la touche. Jusque là, tout a été parfait. En y repensant, elle a un peu honte de la façon dont elle a séduit le Portoricain. Oh et puis tant pis, hein. Il était tellement attirant. Combien de chances que ça marche avec un type beau comme ça ? Cinq sur dix ? Même pas. Maintenant, il est là en face d’elle à lui raconter sa drôle d’histoire. À peine si elle l’écoute.
— L’ange déploie ses ailes pour que l’homme sache à qui il a à faire, poursuit le boxeur. Ça fait le bruit d’un drap qu’on secoue qui résonne longtemps dans la cage d’escalier. T’es quoi, au juste, un genre de messager de la mort ? lui demande l’homme. L’ange sourit sans répondre et lui tend un ticket d’entrée pour l’Empire State. Puis il remballe sa mécanique divine et se tire comme il est venu. Le lendemain, quand l’homme saute du quatre-vingt-sixième étage du building, un bruit sec se fait entendre, comme celui d’un drap que le vent secoue avec violence. C’est du moins ce qu’ont dit les témoins.
— Les anges n’incitent pas les gens à se tuer ! proteste mollement la fille.
— Les anges font des anges ! lui répond le boxeur. Puis il se lève brutalement, jette un billet de dix dollars sur la table et se tire comme il est venu.
Quand on retrouve la fille trois jours plus tard, dans une benne de Stanton street, ses deux bras liés dans le dos ressemblent à des ailes et le lieutenant Mary Wlaseck songe à une position d’envol.
New-York, 1989.

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