
Chère Amie,
Face au Victorian Gardens, assise sur une roche granitique abritée par des grands arbres que vous ne saviez pas nommer, vous téléphoniez en France. Le vent transportait jusqu’à vous des voix aiguës et des musiques de fête foraine. Les rouges et les bleus des manèges saturés par un soleil plombant, transperçaient la verdure. Des câbles d’acier peinaient à retenir les rêves des enfants et leurs aéronefs dans le périmètre, et, de votre place, vous les entendiez se tendre. Vous êtes restée là longtemps après avoir raccroché. Pieds nus, vous goûtiez la fraîcheur relative d’un air qui tournoyait à cet endroit. Un jeune garçon est venu s’asseoir sur le rocher, un peu au-dessus de vous. C’était son rocher. Il a entouré ses genoux osseux de ses bras et il s’est mis à vous fixer avec insistance. Malgré son attitude qui se voulait intimidante, vous n’avez pas bougé. Aussi, après quelques minutes, il a sauté d’un bond juste devant vous et a fait bouh ! pour vous effrayer. Puis il a dévalé la pente jusqu’aux grilles du Victorian. Et, mains croisées dans le dos, à la manière d’un homme d’âge mûr, il s’est mis à faire des allers-retours près de la billetterie. Vous l’avez soupçonné de vouloir resquiller. Mais il ne l’a pas fait. S’est éloigné, non sans faire bouh ! à quelques gosses qui, sales petits cons de veinards ! avaient un ticket d’entrée. Vous deviez retrouver le garçon plus tard. Torse nu, près d’une fontaine, il effectuait une étrange danse en s’aspergeant le haut du corps et en poussant des cris étonnamment rauques.
Vous avez passé le reste de la journée dans le parc. À simplement suivre les allées. En espérant vaguement que l’une d’elles vous mènerait près de l’ange de la Bethesda Terrace. Tout entrait en vous de manière durable. Cela formait une œuvre qui vous sauverait la vie plus d’une fois.
En France tout allait bien. Tout le monde vivait encore.
Curieux contraste entre ce gamin des rues et l’ange biblique, curieuse chute aussi, « en France tout allait bien. Tout le monde vivait encore »
J’ai aimé le récit que vous situez entre rêve et réalité et malheureusement je pressens que vous ne lui donnerez pas de suite.
La photo est follement belle, un brin angoissante elle aussi.
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Merci de souvent prendre le temps de me faire part de votre ressenti. Ce texte n’aura pas de suite, en effet, car celle-ci sortirait de la fiction et je ne pourrais l’écrire.
Je vous envoie toute mon amitié.
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Des câbles d’acier peinaient à retenir les rêves des enfants… si joliment dit.
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Je vous remercie. J’aime voir dans le commun des signes poétiques.
Merci pour votre passage ici et belle soirée.
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Ton texte m’a troublée. Je reste surprise, je le relis. Je suis bluffée, c’est rare des textes comme ceux-là qui m’interpellent autant.
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Il vous révèle peut-être quelque chose qui vous est familier, ou bien une ambiance que vous reconnaissez .
Merci d’être venue ici, Madeleine, et d’avoir pris le temps de la discussion.
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